nouvelle évangélisation

 

 « Nouvelle évangélisation » et la fin d’un certain modèle de chrétienté

(…) De quoi s’agit-il ? Ni plus ni moins de la prise en compte de la fin d’un certain modèle de chrétienté qui a imprégné toute l’Europe pendant plus de mille ans. Celui où l’appartenance religieuse, en l’occurrence chrétienne, se faisait par simple filiation : on devenait chrétien parce que ses parents l’étaient. Ce n’est plus le cas. La sécularisation, qui a affecté l’ensemble du Vieux Continent, a provoqué une rupture de transmission brutale. Aujourd’hui, on ne naît plus chrétien et seule une minorité (5 % en France) pratique régulièrement.

De ce fait, toute la structure ecclésiale qui organisait la pratique religieuse autour des paroisses s’est effondrée, alors que, dans le même temps, d’autres religions sont apparues. « Cette rupture, Paul VI le premier en avait eu l’intuition, mais elle a marqué le pontificat de Jean-Paul II avec son combat sur les racines chrétiennes de l’Europe, et elle éclate de manière encore plus brutale avec Benoît XVI, constate l’historien Jean-Dominique Durand. Ce dernier doit en effet faire face à l’effondrement des vocations – en France, jamais le nombre d’ordinations sacerdotales n’a été aussi bas que cette année – et, avec la crise de la pédophilie, à la remise en cause radicale du rôle de l’Église dans la société, comme l’exemple récent de la Belgique l’a encore montré. »

La réponse serait donc dans cette « nouvelle évangélisation », qui, selon Benoît XVI, concerne désormais tous les pays anciennement chrétiens. Proche – par certains égards – du renouveau opéré au sein du protestantisme par les mouvements évangéliques, on peut caractériser cette « nouvelle évangélisation » par une attitude volontariste, une « ardeur spirituelle », comme le note le théologien Jean Rigal (1).

 

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Dès 1996, les évêques de France faisaient leur cette thématique d’une nouvelle manière d’évangéliser avec la Lettre aux catholiques de France. « Nous avons à retrouver en même temps le geste initial de l’évangélisation : celui de la proposition simple et résolue de l’Évangile du Christ », écrivaient-ils. De même, c’est le cardinal Jean- Marie Lustiger, archevêque de Paris, qui a eu un rôle moteur dans les différents congrès d’évangélisation lancés dans les grandes villes européennes (Vienne, Paris, Lisbonne, Bruxelles et Budapest).

Enfin, on peut encore mentionner le rôle de laboratoire que joue actuellement la France pour repenser entièrement l’enseignement de la foi. De fait, puisque l’initiation chrétienne ne passe plus par la transmission classique – à savoir les familles –, c’est toute la catéchèse qu’il faut revoir, avec ce que l’on appelle la « première annonce », une catéchèse qui s’adresse à tous, enfants comme adultes et dont l’intitulé même montre bien qu’elle arrive sur un terrain vierge…

Révolution copernicienne

Le mouvement auquel invite Benoît XVI, avec la création de ce « ministère de l’évangélisation », dépasse ainsi largement la simple création d’une nouvelle structure. Se replaçant dans une réflexion déjà engagée par ses prédécesseurs, il invite l’Église du Vieux Continent à une révolution copernicienne. De ce point de vue, le choix de Saint-Paul-hors-les-Murs, la « basilique de la mission », n’est pas un hasard : c’est là qu’ont été annoncées de très grandes décisions, et notamment la convocation du concile Vatican II.

Isabelle de GAULMYN
« La Croix » 29 Juin 2010 (extraits)