Vendredi Saint

 

VENDREDI SAINT 2009, SIGOGNE

 

Nous sommes si souvent comme des passants pressés devant Jésus qui meurt.

Nous passons sans le voir… Le Jésus de Jérusalem, le Jésus de l’histoire et le Christ de la foi,

mais aussi le Jésus de notre monde de 2009, comme de toutes les années passées et à venir, le Jésus de nos villages et de nos quartiers, comme le Jésus des pays en guerre, des pays des tremblements de terre, des pays de la faim… C’est Toi qui meurs sur nos croix et nous passons sans Te voir…

Pas plus pour l’un que pour les autres, nous prenons le temps de les regarder.

Ce soir, chrétiens, prenons le chemin de la contemplation de la croix, en regardant Jésus dans les yeux… sans nous dérober… Même s’il y a en nous quelque chose de superficiel - et même ce soir - faisons une halte devant lui pour vivre ce vendredi saint comme un vendredi saint de Salut.

Vendredi saint ! Que s’est –il donc passé de si important, entre Dieu et nous ce jour là ? Ce soir là, Dieu aurait pu anéantir le mal en anéantissant tous les méchants, mais ce soir là il a préféré aimer ce monde par son Fils Jésus. En Jésus, il proclame le pardon, assumant en lui toutes les conséquences du mal.

C’est la loi de la croix, le principe selon lequel le mal ne peut être éliminé, mais s’il n’est pas éliminé, il est transformé en bien par l’exemple et par la force de la mort du Christ. La croix devient la loi suprême de l’amour. La loi de la croix est applicable à toutes les histoires humaines et a une efficacité souveraine sur le domaine de l’esprit. Elle donne une réponse à l’énigme du mal dans notre monde, au scandale de la mort.

Mais voulons-nous vraiment entendre ce qu’elle nous dit ? Nous avons bien du mal !

On ne veut pas vraiment aborder ces questions essentielles, y compris avec les jeunes. Ils sont trop jeunes, à quoi bon les inquiéter avec çà ! Or, lors de la visite du collège Jean XXIII à Jarnac, il y a quelques jours, avec notre évêque, le P. Dagens, j’ai été surpris du nombre de questions qui abordaient directement, dès la classe de Sixième, à partir de leur vie, le problème du mal, de la violence, de l’injustice, ou même de la mort, subie ou voulue… Ces questions de vie et de mort, de malheur et de bonheur, « grammaire essentielle de l’existence humaine » sont portées par chacun de nous, y compris par les plus jeunes. L’évangile y donne une réponse. Combien de ces jeunes, ce soir, ou des adultes qui sont confrontés aux mêmes questions, sont là pour entendre le message de Jésus crucifié ? Et pourtant, le mystère d’amour que la personne de Jésus révèle à travers chaque battement de cœur , sur la croix est vraiment trop grand pour rester indifférent devant lui et ne se sente pas impliqué du plus profond de son être.

Pour vivre et vivre vraiment, on ne peut faire l’impasse sur la croix, sur la mort. Lors des soirées de formation du groupe œcuménique à Jarnac, sur la Résurrection, j’ai redécouvert une évidence : c’est le Crucifié qui est Vivant, c’est le Crucifié qui est Ressuscité. On va trop vite, au deuxième morceau de la proposition : Christ est ressuscité ! Christ crucifié est ressuscité ! C’est toujours le Crucifié qui vient pardonner, encourager, soulager. C’est à cause de la façon et des raisons pour lesquelles Il a souffert qu’Il peut Vivre, revivre, vivre totalement. C’est parce qu’Il a vécu cette loi d’amour de la croix qu’il peut en témoigner au-delà de la croix…

Nos journaux, nos télévisions, nos internets nous déversent chaque jours les croix de notre temps, mais bien plus rarement ouvrent sur la réponse qu’apporte le Christ. Dans le cœur du Crucifié, tout ce qui est « non » peut devenir « oui », et de la trahison naître l’amitié, du désaveu le pardon, de la haine l’amour, du mensonge la vérité. Voici ce que Jésus veut nous dire ce soir, sur sa croix, et dire à tous les hommes…

Il nous dit aussi que tout cela ne peut se faire sans notre liberté, sans acquiescer, à ce projet, à cette volonté de Dieu pour nous. Contrairement à ce qu’une première lecture du récit de la Passion peut nous faire entendre : rien n’est écrit à l’avance. Il n’y a pas de destin, il n’y a pas de fatalité… Si les Ecritures de la Première Alliance sont interprétées de façon à reconnaître dans Jésus le Messie, le véritable Roi d’Israël, il faut pour cela que Jésus lui-même accepte de se donner ainsi, et cela est possible qu’au prix d’un fort combat intérieur…

Jésus sur croix reste libre, souverainement libre et nous invite à découvrir à notre tour notre véritable liberté.

                                                                                                                Fr. L.M