Pour un début de Carême

 

Pour un début de Carême…

Evangile, Matthieu 4, 1-11 (dimanche 13 mars 2011)

Cet extrait de l’Evangile est assez particulier. Dans presque tous les extraits des Evangiles, il y a un geste, une parole, une attitude de Salut. Soit Jésus sauve d’une façon ou d’une autre les personnes, soit il est l’objet de la grâce active de Dieu. Ici, dans les tentations au désert, ce n’est pas le cas. Comme nous, il est confronté au Mal, comme nous, il doit résister, lutter.

Cela peut être vu comme extrêmement réconfortant que le Fils de Dieu lui-même, l’envoyé du Père, ne se mette pas au dessus des contingences humaines et du scandale du mal que nous connaissons tous. Dieu prend en compte notre humanité. Et dans ce dialogue avec Satan, Jésus nous montre des attitudes que nous pouvons suivre, pour déjouer les pièges du Malin, ne pas en être dupe. Il n’y a pas encore de geste qui sauve… cela viendra progressivement, comme si tout le temps du Carême était une large prise de conscience du mal à l’œuvre dans nos vies pour arriver à ce constat : par la croix et la Résurrection de Jésus, Dieu nous sauve du Mal, il nous libère, mais nos vies demeurent dans ces contradictions !

La première tentation porte sur le pain : transformer des pierres en pain. C’est la tentation de satisfaire tous nos désirs de biens matériels. Mais pour cela quelles priorités donnons-nous ? Celle de nous servir dans le superflu ou celle d’un partage équitable ? Certes, nous voudrions nourrir tous les habitants de la terre, nos frères en humanité. Mais comment nous y prenons-nous pour réguler cette juste aspiration ? En 2011, nous savons que la création peut satisfaire tous les besoins de l’humanité, en eau et en nourriture, mais nous n’y parvenons pas, à cause de nos choix qui ne son pas toujours justes ou pertinents. Notre soif de biens de consommation se fait au détriment du pain et du sens de la vie pour l’humanité entière. Il n’est jamais trop tard de renverser la situation si nous vivons éclairés par la parole de Dieu. 

La deuxième tentation du Christ porte sur notre désir d’être des « surhommes ». Jouer parfois aux apprentis sorciers pour transformer le monde et en oublier les limites et contingences. Malheureusement depuis le vendredi 11 mars avec le tremblement de terre et sunami au Japon et les conséquences nucléaires qu’il provoque, nous sommes remis devant cette question : l’homme peut-il sans borne toujours défier la nature, la création ? Prendre des risques pour transformer la création pour vivre mieux, oui, mais en acceptant des contraintes et de ne pas mettre son Salut dans les biens toute-puissance… Accepter avec humilité nos limites et ne pas prendre des risques aux conséquences terribles pour l’humanité. Là encore, Dieu nous invite à l’humilité et au réalisme dans nos projets de transformation de la Création.

La troisième tentation est sur l’exercice du pouvoir. Comment commander en dictateur sur des peuples petits ou grands, sans provoquer humiliation, colère et rejet ? C’est le sens de cette interpellation, c’est le sens des évènements depuis le début de l’année 2011 en Afrique du Nord. Rejet de ceux qui se font adorer et craindre, à la place de Dieu, à leur profit et au profit de quelques uns. Cela est insupportable et la parole de Dieu nous remet devant nos responsabilités pour vivre ensemble de façon harmonieuse et juste. Attention à ceux qui ne veulent pas respecter les droits de chacun, et des plus faibles.

L’Evangile sur aucun de ces trois points ne nous donne de solution miracle, le mal et le Malin sont toujours à l’œuvre pour nous solliciter. Il nous met en garde pour que nous puissions assumer notre humanité sous le regard de Dieu créateur et sauveur, dans une vraie liberté et une vrai responsabilité.

Fr. Laurent Maurin